Afrique-France : comment associer développement, consommation, industrialisation

Avec plus de 5 % de croissance économique par an, l’Afrique ne peut pas laisser indifférent les décideurs économiques, « même si les défis sont considérables », ont souligné les différents intervenants au forum économique France-Afrique, organisé par Medef International à Bercy, le 4 décembre.

« Sur les 9 milliards d’habitants de la planète en 2050, l’Afrique aura doublé à deux milliards », rappelait ainsi François Burgaud, président de l’Adepta. Comment alors y assurer la sécurité alimentaire, alors que la productivité y est faible. «Dans le maïs, elle atteint deux tonnes à l’hectare, alors qu’elle s’élève à huit tonnes en Europe et dix tonnes aux États-Unis », pointait ainsi François Burgaud, également directeur de la Communication du Gnis (Groupement National Interprofessionnel des semences et plants).

Dans le même temps, les deux milliards d’Africains en 2050 vont constituer un des plus grands marchés de la planète. Déjà 80 % de la population est connectée à un réseau de téléphonie mobile. Selon Marc Rennard, directeur exécutif en charge chez Orange de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Asie, « il y a une très forte corrélation entre développement économique et essor des communications en Afrique », la téléphonie mobile permettant, en l’occurrence, « d’accroître la productivité et de désenclaver les zones rurales ». La prochaine étape sera « le plein épanouissement d’Internet », assure-t-il.

Céréales, farines : Eurogerm s’adapte aux différents marchés

Globalement, les dépenses des ménages africains devraient passer de 840 millions de dollars en 2008 à 1,4 milliard en 2020. De quoi susciter les appétits : les 40 Africains les plus riches totalisaient déjà ensemble 73 milliards d’euros l’an dernier et les classes moyennes représentaient entre 300 et 500 millions de personnes.

Toutefois, il n’y aura pas de société de consommation sans une industrialisation qui crée de l’emploi. Faute de connaissances et de moyens humains, le partenariat est souvent une voie privilégiée. « Il me fallait un partenaire technique et financier et je l’ai trouvé en France », explique Amadou Seck, directeur général de la filiale sénégalaise d’Eurogerm (ingrédients céréaliers, farines spéciales…), qui réalise aujourd’hui plus de la moitié de ses ventes à l’export dans la sous-région.

« Think Global, eat local », lâche Serge Momus, directeur Alliances et croissance externe d’Eurogerm, pour illustrer le fait que « la baguette française est différente au Sénégal du Maroc ou de Madagascar » et que donc il est important, « quand on a le savoir-faire et les capacités de financement » de compléter « avec un professionnel qui connaît la consommation sur le marché local ».

Des succès industriels : La Laiterie du Berger, Lecofruit, PKL

Trop rares, en Afrique subsaharienne, sont les hommes et les femmes qui se lancent dans l’industrialisation. Vétérinaire de formation, le Sénégalais Bagoré Bathily s’est engagé, à 28 ans, dans la vente de yaourts à un consommateur urbain. Le dirigeant de la Laiterie du Berger a créé un système de collecte chez les Peuls, à 400 kilomètres de Dakar, et une usine au nord à Richard-Toll.

Pour sa part, Lecofruit, à Madagascar, s’est développé dans les légumes, grâce à un partenariat avec des paysans des Hauts Plateaux. La filiale du groupe Basan est devenue « le deuxième producteur mondial de haricots verts extra-fins, cueillis et rangés à la main ». Elle livre ainsi « un bocal sur deux en France, un sur trois en Europe », rapporte son directeur général, Karim Barday.

En Côte d’Ivoire, Marie Konaté a fondé PKL SA, fabriquant des aliments à base de céréales ou encore des farines pour bébé. « Les banques ont une logique anti-PME. Leurs agents ne sont pas formés », dénonce-t-elle. Quant à aux organismes bilatéraux ou multilatéraux (AFD, BAfD, Banque mondiale…), « nous sommes trop petits pour eux ».

La Laiterie du Berger a été soutenu par Investisseurs et Partenaires (I & P, géré par Jean-Michel Severino, ex-patron de l’Agence française de développement). « Ce fonds d’investissement a accepté de prendre des risques, ce qui a beaucoup facilité ensuite mon approche avec les banques », relate Bagoré Bathily.

Mutualiser les risques

« Aujourd’hui, les nations africaines veulent former des joint-venture pour valoriser leurs matières premières, transformer. Le secteur bancaire doit comprendre les besoins des entrepreneurs. Or, 75 % des fonds disponibles le sont à court terme et il faut maintenant parvenir à transformer tout cet argent en moyen et long terme », expose Mohammed El Kettani (notre photo), P-d g d’Attijariwafa Bank, établissement marocain également implanté dans 13 autres pays du nord, du centre et de l’ouest du continent, et coprésident du Club des chefs d’entreprise France Maroc.

S’agissant des risques, assure-t-il, il faut les mutualiser. « L’État doit posséder une Caisse de garantie ; il faut recourir aux fonds d’investissement et de capital risque ; et l’AFD doit être un partenaire dans tous les pays où nous sommes afin d’apporter sa valeur ajoutée sur des projets de PME à moyen et long terme ». Selon lui, cette mutualisation est essentielle au développement de la jeunesse, de l'entrepreneuriat et de la consommation.

source www.lemoci.com

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